Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères ; j’y associe mon collègue Gabriel Serville, président du groupe d’amitié France-Haïti.

Monsieur le ministre, depuis dix-huit mois, une situation insurrectionnelle perdure en Haïti. Elle inquiète la communauté internationale dans son ensemble, et plus particulièrement les pays de la Caraïbe.

Les affrontements sont quotidiens, sur fond de vie chère, de soupçons de corruption dans l’attribution de l’aide au développement, notamment des fonds PetroCaribe, et de colère contre le président Jovenel Moïse. Ces affrontements perdurent. Un sénateur a même tiré sur la foule.

Pour la population, après des mois de manifestations, d’émeutes et de pillages, la situation est catastrophique. Les transports en commun sont suspendus entre plusieurs villes à cause de barricades et d’exactions à l’encontre des voyageurs. Les approvisionnements en essence, nourriture et fournitures médicales sont grandement ralentis, quand ils ne sont pas devenus impossibles.

Cette situation dramatique, survenant dans le pays le plus pauvre des Amériques, ne peut laisser la France indifférente, compte tenu de l’histoire qui nous lie à lui.

On sait que l’État haïtien est gravement déstructuré, ne possédant ni administration, ni armée, ni police fiables. Chaque crise amène une vague migratoire aux Antilles et en Guyane, qui sont solidaires mais quelque peu dépassées.

Quelle analyse la diplomatie française fait-elle de ces événements ? Quelles initiatives la France compte-t-elle prendre, dans les prochaines semaines, pour encourager le retour au calme dans ce pays, victime tragique de l’histoire ? Comment peut-elle, dans le contexte actuel, susciter une intervention rapide et efficace de l’ONU ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Madame la députée, nous partageons votre analyse. La situation en Haïti est particulièrement préoccupante depuis le mois de juillet 2018.

Plusieurs mouvements insurrectionnels se sont succédé, avec une recrudescence depuis la fin du mois d’août. Ils ont provoqué quarante-deux morts depuis le mois de septembre et plusieurs dizaines de blessés. L’ambassade de France et l’Institut français ont été la cible d’actes de vandalisme. Je tiens à saluer le dévouement de notre ambassadeur et de son équipe pour faire face à ces événements.

La situation politique est aujourd’hui totalement bloquée, puisque le nouveau gouvernement n’a pas été investi.

Dans ce contexte, nous avons déterminé trois priorités.

Il s’agit, d’abord, d’assurer la sécurité de la communauté française, notamment en prenant certaines précautions. Nous avons ainsi maintenu la fermeture du lycée Alexandre-Dumas à l’issue des vacances de la Toussaint, pour éviter toute prise de risques.

Notre deuxième priorité est de prévenir une dégradation de la situation humanitaire, qui est déjà précaire : 4 millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire, soit 40 % de la population. Vous avez approuvé, jeudi dernier, en présence de Jean-Yves Le Drian, le doublement de l’enveloppe dédiée à l’aide alimentaire programmée française, ce qui nous permettra d’offrir, par l’intermédiaire du Centre de crise et de soutien, des solutions pour faire face à la crise.

Enfin, notre troisième priorité est de soutenir la reprise d’un dialogue. Le Président de la République d’Haïti doit naturellement être à la hauteur des circonstances. Nous l’accompagnerons s’il le souhaite, et nous serons aux côtés de la société civile et des forces vives du pays, avec l’aide de l’OIF, l’Organisation internationale de la francophonie, et de l’Union européenne, pour faciliter le rétablissement du dialogue. Il y en a grand besoin.