Mme George Pau-Langevin alerte M. le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement, sur les difficultés liées à l’application des articles L. 302-5 et L. 353-16 pour les habitants de logements sociaux. En effet, ces textes prévoient une modification des règles applicables au surloyer de solidarité. Les locataires sont obligés de choisir entre un départ brutal de leur appartement ou l’acceptation d’un surloyer qui élève les sommes mensuelles à un niveau prohibitif, parfois supérieur à celui demandé pour des locaux comparables dans le quartier, notamment dans le 20ème arrondissement. L’association des locataires de la Régie immobilière de la ville de Paris pour la rue des Prairies indique également que la RIVP s’était engagée à faire en sorte que cette modification n’impacte pas les locataires déjà logés. D’ailleurs, aux termes de l’article 353-16 du CCH, lorsqu’un bailleur social achète des logements occupés dans le privé, le loyer des locataires en place est normalement maintenu au niveau de celui qu’ils acquittaient avant l’achat de leur logement par l’organisme HLM. En l’espèce, les locataires de la rue des Prairies font valoir qu’ils sont entrés dans les lieux avec des loyers quasiment d’un niveau normal et sans considérer qu’ils étaient en HLM. Or les nouvelles dispositions remettent en cause ces engagements et obligent les locataires dont les revenus dépassent le plafond de ressource pour obtenir un logement social à se retirer, quasiment de manière immédiate ou à accepter des augmentations substantielles de leur loyer, voire le doublement de celui-ci. En outre, ces derniers n’ont été prévenus que quinze jours avant l’échéance. Cet état de fait, en sus de mettre en situation de grande difficulté les résidents, se trouve en contradiction avec les objectifs de la loi puisqu’en chassant les classes moyennes des immeubles comme celui du 8 rue des prairies, l’idéal de mixité sociale se trouve compromis. La mairie de Paris, saisie, leur indique n’avoir aucune marge de manœuvre, compte tenu des termes précis de la loi. Face à cet enjeu social particulièrement important dans un contexte de forte tension dans le domaine du logement en région parisienne, elle lui demande donc quelles sont les mesures que le Gouvernement compte prendre pour garantir la mixité sociale et donc éviter aux classes moyennes de devoir quitter Paris.

Réponse :

Afin de favoriser la mobilité dans le parc locatif social, la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté (EC) a supprimé la possibilité de prévoir, dans les conventions d’utilité sociale, une modulation du barème de calcul du supplément de loyer de solidarité (SLS). Les locataires titulaires d’un bail de droit privé lors de l’acquisition de leur logement par un bailleur social et de son conventionnement à l’aide personnalisée au logement (APL) peuvent à ce moment là soit conserver ce bail privé, soit conclure un nouveau bail conforme à la convention APL. Dans ce dernier cas, s’ils ont des ressources supérieures au plafond de ressources applicable pour l’attribution de ces logements, le nouveau bail prévoit un loyer dit dérogatoire. En application de l’article L. 441-3 du code de la construction et de l’habitation (CCH), dans sa rédaction issue de la loi du 27 janvier 2017 précitée, ces locataires sont exemptés de SLS pendant une durée de trois ans à compter du conventionnement de leur logement. Cette mesure législative concerne seulement les conventionnements intervenus après le 27 janvier 2017. Au-delà de ces trois ans, le locataire dont les ressources continuent à être supérieures au plafond de ressources applicable pour l’attribution de ces logements était redevable d’un SLS, en sus de son loyer dérogatoire. Il en était de même de celui qui avait conservé un bail privé ou pour les locataires des logements conventionnés avant le 27 janvier 2017, du moment que leurs ressources sont supérieures au plafond de ressources applicable pour l’attribution de ces logements et qu’ils soient soumis à un loyer dérogatoire ou non. La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) a à nouveau modifié cette situation, pour la rendre plus juste et compréhensible pour le locataire. Le même article, dans sa rédaction issue de cette loi, précise que les locataires ayant refusé de conclure un nouveau bail en application de l’article L. 353-7 du CCH, et ayant donc conservé leur bail privé, ne sont pas redevables du SLS. En outre, la possibilité de choisir entre le maintien des conditions du bail privé antérieur, sans application du SLS mais aussi sans les conditions plus protectrices des locataires qui existent pour le parc social, ou la signature d’un nouveau bail social, plus protecteur mais potentiellement soumis au SLS, est étendue aux locataires de bailleurs sociaux de type société d’économie mixte/entreprise publique locale, ce qui n’était pas le cas antérieurement puisque leurs locataires devaient obligatoirement basculer vers un bail social. Les conditions de choix sont donc désormais clairement établies pour les nouveaux conventionnements de logements existants. Les locataires concernés pourront désormais faire un choix éclairé et n’auront plus à subir nécessairement une augmentation nette de leur quittance par ajout d’un SLS à leur loyer privé antérieur à la situation de conventionnement. Les situations évoquées par l’honorable parlementaire relèvent donc certainement de cas de conventionnements de logements antérieurs à la loi ELAN voire à la loi égalité et citoyenneté, pour lesquelles le locataire est titulaire d’un bail social, établi conformément à la convention APL, et redevable à ce titre d’un SLS si ses ressources dépassent le plafond de ressources applicable à ce logement. Si le locataire a conclu un bail social, conforme à la convention APL, il ne peut renoncer à ce bail pour bénéficier à nouveau du bail privé qu’il avait précédemment conclu, puisque celui-ci n’a plus d’existence juridique, et une mesure législative ne pourrait rétablir cette situation. Deux dispositifs permettent de limiter la charge financière d’un SLS, qui s’ajouterait au loyer à acquitter, et de préserver ainsi la mixité sociale. D’une part, en application de l’article L. 441-4 du CCH, le montant cumulé du loyer pratiqué, y compris lorsqu’il s’agit d’un loyer dérogatoire, et du SLS est plafonné à 30 % des ressources du ménage. D’autre part, l’ordonnance n° 2019-454 du 15 mai 2019 portant adaptation du mode de calcul du supplément de loyer de solidarité vient de créer, au même article, un second plafonnement applicable spécifiquement aux locataires acquittant un loyer dérogatoire. L’objectif est que le montant cumulé du loyer dérogatoire et du SLS ne dépasse pas une valeur de référence, fixée en fonction des loyers de marché. Le décret d’application fixant le montant de ce plafonnement est en préparation. Par ailleurs, il faut noter les cas d’exonération qui sont prévus pour les locataires des logements situés en quartiers de la politique de la ville afin de préserver la mixité sociale. Dans la même logique, le programme local de l’habitat adopté par l’intercommunalité peut décider d’appliquer des modulations sur d’autres quartiers. Enfin, il est possible que la difficulté résulte d’un écart particulier entre la situation du locataire et la convention APL applicable au logement qu’il occupe, alors que le locataire serait éligible à d’autres catégories de logement social avec des plafonds de ressources supérieurs. Le bailleur social dispose désormais d’outils afin de reclasser la situation du logement, en établissant une nouvelle politique de loyers dans le cadre de la convention d’utilité sociale qu’il doit conclure avec l’État. Le locataire verra son loyer de base certainement ajusté à la hausse mais sa quittance ne sera alors plus nécessairement majorée du fait de l’application du SLS. Inversement, un autre logement verra son loyer baisser afin d’y accueillir plus facilement un ménage modeste.