Le 8 Novembre 2017 j’ai interpellé le gouvernement sur la remise en cause de la création de la Cité des Outre-Mer pour laquelle le précédent gouvernement s’était engagé et les différents crédits votés.
Voici, par ailleurs, le texte de la tribune que j’ai signé à ce sujet dans Libération du 8 novembre :
La Cité des Outre-Mer, torpillée par la nouvelle majorité ?
L’installation d’une Cité des Outre-Mer à Paris mettant en valeur l’histoire, la mémoire et les cultures des outremers, constitue une promesse récurrente des autorités politiques de notre pays depuis plus de vingt ans, du président Jacques Chirac à François Hollande, de la maire de Paris aux présidents successifs de la Région Île-de-France.
Le vendredi 17 mars 2017 un pas décisif était franchi avec la transmission au Conseil d’Etat d’un décret portant création de l’établissement public de la Cité des Outre-Mer. Le site d’implantation au cœur du parc de la Villette à Paris, face à la Cité des sciences et de l’industrie, l’ancien cinéma désaffecté, le «Cinaxe», a été affecté au futur établissement public industriel et commercial de la cité des Outre-Mer. Le ministère des Outre-mer a par ailleurs, affecté au sein de la Loi de Finances 2017 dûment voté par le Parlement il y a un an, 10 millions d’euros pour le développement de la Cité des Outre-Mer.
Nul ne pouvait imaginer qu’il était possible de revenir sur un engagement pris par plusieurs présidents de la République, réalisé par le président François Hollande et avalisé par le Parlement. Nul ne pouvait imaginer un tel camouflet envers des acteurs ultramarins qui se mobilisent depuis vingt ans pour faire émerger un centre culturel destiné à promouvoir et valoriser les cultures, les arts, les traditions et coutumes des territoires ultramarins. En somme, un lieu de découvertes, d’échanges, de rencontres et de convivialité, des notions qui sont d’autant plus importantes dans une société actuelle coupée de ses histoires.
Depuis la nomination de la nouvelle ministre des Outre-mer dans le gouvernement Philippe, pas un seul mot sur cette Cité des Outre-Mer, pas de communiqué de presse, pas de déclaration d’une minute, pas de discours, aucune intervention publique pour défendre ce lieu qui correspond aux besoins de nos compatriotes d’Outre-mer. Pas une ligne dans le budget soumis au Parlement pour 2018.
Nous ne pensions pas qu’un changement de majorité -à la fois à la tête de l’Etat et dans l’hémicycle, après les élections présidentielle et législatives- allait empêcher la création de la Cité qui doit faciliter la découverte des Outre-mer qui bénéficieront ainsi d’une formidable visibilité au centre du site de La Villette, fréquenté chaque année par plus de dix millions de visiteurs.
Car il s’agit bien d’un site homogène, à l’ordonnancement équilibré entre arts, culture et biodiversité en milieu urbain. Il était également prévu de donner la priorité au numérique, de manière à permette aux ultramarins, demeurés dans leurs îles éloignées, de partager aussi les cultures mises en valeurs en ce lieu, et ce, via des expositions virtuelles.
Nous craignons que l’actuelle indifférence envers les territoires ultramarins continue de s’accroître en continuant à les priver de toute visibilité dans l’hexagone, y compris pour les populations qui s’en sentent proches. La Cité des Outre-Mer vise, en outre, à retendre le lien entre l’Hexagone et ses Outre-mer: dans son rapport intitulé «Les DOM, défi pour la République, chance pour la France», le Sénat estime le nombre d’ultramarins résidant dans l’hexagone entre 900 000 et 1 100 000, dont 60% installés en région parisienne, sur les 2,1 millions d’habitants des cinq départements d’Outre-Mer.
Cette présence n’est pas le fruit du hasard mais celui de l’Histoire, des échanges et des migrations, à l’instar de ces 260 000 «Domiens» qui ont abandonné leur île d’origine pour rejoindre l’Hexagone, en demande de main-d’œuvre. Ce lieu d’ancrage, fenêtre sur la France océanique, centre de rayonnement au cœur de la capitale et de l’Europe devait donc permettre de reconnaître, de faire connaître et de célébrer l’unité dans la diversité.
Si la mémoire commune continue de vivre à travers de grands textes, tels que la loi sur la traite négrière et l’esclavage reconnu crime contre l’humanité, c’est aussi la connaissance qui permet de la nourrir, et l’ambition que se donne cette Cité c’est de faire vivre le présent et l’avenir, la mémoire mais aussi la richesse des échanges culturels d’aujourd’hui. Tel un mirage, ce projet, sur le point d’aboutir s’éloigne sans cesse.
Alors nous nous demandons, s’il ne serait pas plus raisonnable, au lieu de mettre sous le tapis cette ambition partagée par tous depuis vingt ans, de respecter la parole de l’Etat, et de faire en sorte que l’ouverture puisse être envisagée en 2019 comme initialement prévu. Les ultramarins ont les yeux rivés sur ce dossier. Faute d’agir, le Gouvernement enverra un signal très négatif à ces terres de la France d’outre-mer, qui ne souhaitent pas dissocier leurs histoires et leurs diverses cultures de la France hexagonale.
Les premiers signataires : Marie-France Astégiani-Merrain, militante ; Ericka Bareigts, députée de la Réunion; Dominique Carotine, militant; Maryse Condé, écrivain; Michel Hieu, conseiller municipal; Lydia Jean, adjointe au maire ; Barbara Jean-Elie, journaliste productrice; Pierre Kanuty conseiller régional ; Serge Letchimy député de la Martinique ; Chantal Loïal, danseuse chorégraphe; Josette Manin, députée de la Martinique; Mariann Mathéus, artiste ; George Pau-Langevin, députée de Paris; José Pentoscrope, président du CIFORDOM; Luc Rangon, conseiller municipal; Viviane Romana, conseillère régionale, psychologue ; Lilian Thuram, président de la Fondation Lilian Thuram; Claude Vamur, percussionniste; France Zobda, productrice.