M. le Président,

M. le Ministre, mes chers collègues,

Le problème auquel s’attaque cette proposition de loi est important et urgent. Nous avions tous considéré que l’avènement d’internet, en offrant le moyen de communiquer à l’infini à travers la planète, constituait une possibilité d’échanges grisante. Une grande partie du monde communique dorénavant sur les médias sociaux, près d’un tiers de la population mondiale étant active sur Facebook uniquement.

Mais des individus enclins au racisme, à la misogynie ou à l’homophobie ont trouvé en internet et dans les réseaux sociaux la possibilité de diffuser leurs opinions haineuses et d’inciter à la violence sans retenue. De tout temps, les civilisations, les religions, les conventions internationales ont connu ces pulsions de haine qui existent au tréfonds de l’homme et ont tenté de les endiguer, de les policer.

Les textes fondateurs de notre démocratie et, plus récemment, la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, la loi du 1er juillet 1972 relative à la lutte contre le racisme ou la loi sur l’incrimination de l’homophobie et du harcèlement sexuel ont tracé clairement la limite entre ce qui relève de la liberté d’expression garantie et ce qui constitue un délit répréhensible. Plus récemment, la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique a instauré pour les hébergeurs une obligation de retirer promptement les contenus haineux qui leur sont signalés.

Mais aujourd’hui, face à la montée de l’intolérance, force est de constater que ces dispositifs ne sont plus suffisants pour lutter efficacement contre des propos qui constituent un poison pour notre démocratie. Ce matin encore, Le Parisien relayait les angoisses d’une partie de nos concitoyens, souvent visés par ce type de propos, et le grand rabbin Korsia décrivait internet comme « un déversoir de haine sans limites ». En étudiant ce texte, nous pensons aussi à certains de nos jeunes qui sont amenés à commettre l’irréparable pour avoir été harcelés ou diffamés sur les réseaux sociaux.

Au sein du groupe Socialistes et apparentés, nous sommes tous fortement attachés à la liberté d’expression, pilier des démocraties modernes. Cependant, protéger ce principe ne peut signifier qu’on tolère des expressions ou des allégations violentes, racistes ou homophobes, qui ne respectent pas la dignité de la personne humaine, car là est bien, me semble-t-il, le critère essentiel pour définir jusqu’où l’on peut aller.

Bien évidemment, s’attaquer aux GAFA n’est pas chose facile. Cela peut même sembler présomptueux, comme le montre la nature des débats que nous avons depuis quelques mois. Mais l’enjeu est tel qu’il me semble utile de mener cette lutte et d’essayer d’avancer sur ce terrain.

Le texte proposé aujourd’hui, dans la version réécrite après les travaux de nos collègues du Sénat, tient compte des remarques formulées par la Commission européenne relativement à la compatibilité de ses dispositions avec plusieurs autres de la directive sur le commerce électronique.

Notre groupe considère, en majorité, que cette proposition de loi établit un bon équilibre entre ces deux exigences. Comme vous le savez, il n’a pas été possible, en CMP, de trouver un accord avec nos collègues du Sénat, principalement à cause de l’article 1er, c’est-à-dire au retrait sous vingt-quatre heures des contenus signalés comme haineux, homophobes ou racistes. Les sénateurs, y compris socialistes, avaient préféré améliorer le dispositif prévu par la loi de 2004, lequel imposait aux plateformes de retirer promptement les propos signalés. Mais, d’une part, les sénateurs, dans leur majorité, n’ont pas retenu ce dispositif, et, d’autre part et surtout, force est de reconnaître que, faute de sanction, la loi de 2004 s’est montrée d’une efficacité extrêmement limitée.

Par conséquent, il me semble nécessaire – ainsi qu’à la majorité du groupe – de rétablir le retrait sous vingt-quatre heures, mais bien sûr sous le contrôle du juge qui peut être saisi en référé par les deux parties pour arbitrer sur la nécessité d’enlever ou pas le contenu signalé, et décider ensuite si le contenu en cause mérite une condamnation. À l’inverse, la justice pourra aussi intervenir pour contrecarrer la surcensure, risque qui préoccupe à bon droit certains de nos collègues. Il faudra donc vérifier que l’opérateur retire des contenus qui tombent bien sous le coup de la loi. Par ailleurs, le CSA est confirmé dans son rôle.

Aujourd’hui, nous sommes parvenus à un équilibre qui me semble tout à fait acceptable. Bien entendu, nous craignons la censure comme l’abus de propos haineux ou homophobes. Aujourd’hui, au vu de ce qui est diffusé dans les médias, il est utile d’agir pour obtenir une avancée dans ce domaine. En majorité, nous voterons donc pour ce texte.

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