Monsieur le ministre de l’intérieur, la crise du coronavirus et le confinement nous font tous vivre dans un climat d’angoisse et de nervosité, policiers comme citoyens. Le groupe Socialistes et apparentés sait bien que les forces de sécurité sont mises à rude épreuve depuis quelques années, entre la lutte contre le terrorisme intégriste, les manifestations violentes, les agressions dont elles sont la cible et, désormais, leur participation à la lutte contre un virus inconnu.

Pour autant, il nous semble qu’aujourd’hui, les forces de l’ordre ont recours fréquemment à des méthodes très critiquables. Des incidents préoccupants nous sont régulièrement rapportés.

Vous avez réagi rapidement, ainsi que le secrétaire d’État qui vous est attaché, pour suspendre le fonctionnaire fautif à l’Île-Saint-Denis, et réaffirmer que le racisme n’a pas sa place dans la police républicaine. Il conviendra de tenir informée la représentation nationale sur les suites disciplinaires apportées à cette affaire.

La multiplication des dérapages qui nous sont relatés démontre la nécessité d’un véritable plan de lutte contre les agissements et les propos racistes au sein des forces de sécurité, qui impliquerait par exemple, de renforcer la formation sur les droits de la personne et de mieux impliquer la hiérarchie.

Il est question de renforcer les enquêtes du service national des enquêtes administratives de sécurité sur les candidats au recrutement et les agents en fonction. Ne serait-il pas utile d’y inclure des questions concernant les positions de l’agent en matière de racisme et de discrimination, afin d’améliorer la politique préventive ?

Cette question apparaît d’autant plus importante que, le confinement se prolongeant, nombre d’activités habituellement proposées aux jeunes dans les quartiers risquent de ne pouvoir reprendre, entraînant un accroissement évident des tensions.

Quelle politique de fond allez-vous mener pour que l’image d’une police gardienne du pacte républicain soit préservée dans les quartiers ?

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M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Vous avez raison, madame la députée, de rappeler que le racisme n’a pas sa place dans la police républicaine. Jamais ni la police ni la gendarmerie ne doivent accepter des mots comme ceux que nous avons entendus il y a dix jours, et que j’ai, comme vous l’avez rappelé, immédiatement condamnés. Une enquête est ouverte, et devra faire toute la vérité.

Mais je voudrais souligner le paradoxe de cette affaire. Les deux auteurs des propos incriminés se sont dénoncés d’eux-mêmes, parce qu’ils en ont compris la gravité. Toutefois, quelques minutes avant d’avoir ces mots, l’un des deux n’a pas hésité à sauter dans la Seine pour sauver celui qui les fuyait après un cambriolage. À ce moment, je suis sûr qu’il ne s’est pas demandé si c’était un étranger, un musulman ou un chrétien, ni quelles étaient ses opinions politiques : il a sauté dans la Seine. Et, quelques minutes plus tard, ces mots insupportables, totalement condamnables…

Cette histoire montre la fragilité que peut avoir tout homme, toute femme, mais qui est insupportable quand on sert dans la police républicaine.

Vos mots de condamnation comme les miens ne suffisent pas. Nous devons donc travailler, en particulier sur la formation. Les formations, même si elles sont actuellement suspendues dans le cadre du combat contre le Covid-19 – les élèves servant dignement et fermement sur le terrain – prévoient pour chacun d’entre eux un temps consacré à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Depuis peu de temps, la DILCRAH – Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT – et la LICRA – Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme – interviennent au sein même des formations, pour que chacun ait conscience que nous n’accepterons jamais le racisme dans la police républicaine.