Le Premier ministre, Edouard Philippe, et la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, s’apprêtent, « pour des raisons budgétaires », à restreindre l’enveloppe allouée aux contrats aidés à 300.000 contrats en 2017 et moins de 200.000 en 2018 alors qu’ils étaient 459.000 en 2016 .

Cette annonce, d’une diminution drastique et sans concertation préalable est très préoccupante quant au sort qui attend les jeunes gens les moins qualifiés, les personnes les plus éloignées de l’emplois, les hommes et les femmes en situation de handicap et, par voie de conséquence, les associations, les collectivités locales, et l’économie sociale et solidaire dans son ensemble.

Selon le gouvernement ils seraient « coûteux et inefficaces » et curieusement il évoque simultanément, la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune.

Les appels et les courriels de directeurs d’association se multiplient tant à mon bureau de l’Assemblée qu’à la permanence de la Cour des Noues, marqués par l’incompréhension et l’inquiétude. Nombreux sont ceux qui craignent de devoir mettre la clé sous la porte, faute de pouvoir renouveler leurs employés, et nombreux sont les employés qui craignent de se retrouver à nouveau sans perspective d’insertion à court et moyen terme, sans emploi et sans perspective de formation. 150.000 contrats non renouvelés, cela équivaut, comme le rappellent les adjoints à la Maire de Paris Colombe dans leur tribune du Monde, à deux cent Florange..

Les personnes handicapées, les jeunes peu qualifiés, les habitants des quartiers populaires, les chômeurs de longue durée, les seniors sont les principaux bénéficiaires de ces dispositifs qui favorisent le retour à l’emploi et à la formation en accordant aux employeurs des aides publiques sur une part variable du salaire ou exonèrent les entreprises de cotisations sociales. Sans ces aides, les uns comme les autres ne seraient pas en capacité d’embaucher et de faire confiance.

Les personnes handicapées seront les plus impactées par ce coup de rabot aussi prématuré qu’irréfléchi . Qu’on en juge plutôt : 44.000 personnes handicapées ont bénéficié de cette mesure en 2015, soit près de 40% des contrats de plus d’un an, signés par l’ensemble de celles-ci, sur la même période. En outre, les personnes handicapées seront frappées d’une double peine, puisqu’un nombre conséquent des accompagnants spécialisés qui leur viennent en aide ,sont eux-mêmes embauchés sous ce régime contractuel .Au sein de l’Education nationale, par exemple, ce sont près de 50.000 auxiliaires de vie scolaire qui risquent, à terme, de voir leur poste supprimés, et autant d’élèves particulièrement fragiles de voir leur insertion mise en péril .D’ailleurs, alors que j’avais ,avec Vincent Peillon mis en route la titularisation de ces personnels, la secrétaire d’Etat aux personnes handicapées a précisé qu’il faudrait « remettre à plat » le dispositif.

Le secteur scolaire et périscolaire est lui aussi menacé : assistants administratifs des directeurs d’école, assistants à la vie scolaire dans le secondaire, agents d’entretien dans les écoles maternelles et primaires, surveillants des cantines et de l’étude, animateurs dans les centres de loisirs pour les enfants que leurs parents ne peuvent faire garder les mercredi après-midi ou durant les périodes de vacances scolaires. André Laignel, maire d’Issoudun et premier vice-président de l’Association des Maires de France, rappelait, dès le 7 aout dernier, que la transformation des contrats aidés en contrats classiques ne pourra être assumés financièrement par les communes, alors que celles-ci s’étaient déjà engagées moralement auprès de nombreux habitants et s’étaient organisées en fonction de leur présence, pour l’année qui commence.

Je pense enfin, bien entendu, au tissu associatif dans son ensemble, qui oeuvre chaque jour, dans notre XXème et dans les quartiers les plus populaires pour l’insertion professionnelle, pour le lien social, pour l’éducation, pour la culture et la lutte contre les discriminations. Comment pourvoir désormais à ces actions de solidarités ?

« L’efficacité » en politique a la ruse et l’audace de toujours se prétendre dépourvue d’idéologie. Elle est pourtant en train de se découvrir, au contraire, comme l’idéologie d’un monstre froid, celle d’un Etat qui oublie qu’il tire sa valeur et sa légitimité en servant de colonne vertébrale à la communauté nationale.