Veuillez trouver ci-dessous mon intervention dans la discussion, en lecture définitive, de la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet.

Alors que nous abordons la lecture définitive du texte qui nous revient du Sénat, il faut saluer le travail accompli, sur tous les bancs et dans les deux assemblées, pour essayer de trouver une solution viable à la difficile question qui nous est posée : comment contrer le déferlement de propos haineux sur internet tout en respectant les libertés auxquelles nous sommes tous attachés ?

Une partie de l’opinion, et de mes collègues, pense que c’est peine perdue et qu’il faut d’abord agir sur les consciences, inciter à réfléchir et, si cela ne suffit pas, sanctionner en justice les propos et comportements inacceptables. Sans doute, j’en conviens, l’essentiel est-il de sensibiliser à ces enjeux dès le plus jeune âge. La formation des enseignants et les questions d’éducation sont donc primordiales.

Par ailleurs, on nous alerte du risque de sur-censure lié au fait de charger les opérateurs de traquer eux-mêmes les propos inacceptables sur les réseaux. Internet a impulsé un formidable mouvement démocratique en permettant l’expression de courants de pensée et d’opinions, et il est très difficile d’y toucher.

Nous sommes tous attachés à l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui dispose que : « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme ». Mais nous savons aussi – et je m’étonne qu’on ne le rappelle pas davantage dans cette enceinte – que la liberté d’expression n’est pas infinie dans notre droit. Dès 1881, la loi l’a réglementée en interdisant les propos injurieux ou diffamatoires et les provocations à la haine. De la même manière, depuis 1972, les propos et écrits racistes ou homophobes sont sanctionnés.

Notre travail consiste à transposer ces dispositifs législatifs sur internet de manière efficace. Il ne s’agit pas d’inventer des atteintes à la liberté d’expression, mais d’appliquer à d’autres médias les dispositifs qui existent déjà.

Par ailleurs, on semble découvrir qu’une mission de régulation sera confiée aux plateformes. Pourtant, depuis la loi de 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, les plateformes sont chargées de réguler le contenu qu’elles hébergent. Là encore, la nouveauté n’est pas d’inventer un dispositif, mais de responsabiliser les plateformes afin qu’elles réagissent avec plus de rapidité. C’est pour cela que le texte prévoit une sanction pécuniaire.

La navette parlementaire a permis de dégager des accords sur certains éléments importants en définissant le rôle des différents acteurs. Le CSA aura une place de régulateur et la justice demeurera chargée de sanctionner les propos illégaux. Elle a également précisé ce qu’il faut entendre par l’expression « propos haineux » en faisant référence aux articles de la loi de 1881 qui condamnent déjà certains propos.

Ce qui nous divise est la modification du texte, proposée par certains – parmi lesquels nos amis sénateurs socialistes –, qui rendrait provisoire le retrait de contenu, en attendant que le juge se prononce. Mais les délais de la justice étant ce qu’ils sont, et compte tenu de la multitude des propos qui circulent sur internet, les juges ne pourraient pas suivre le flot des demandes. Demander aux opérateurs de réguler avant que la justice soit saisie me semble une bonne méthode.

Le groupe Socialistes et apparentés est partagé. Nous constatons que le texte répond aux demandes de la Commission européenne en reprenant plusieurs éléments de la directive sur le commerce électronique, ce qui représente une avancée, mais nous restons divisés. Certains sont davantage attachés à la liberté d’expression, y compris celle de propos inacceptables, en attendant que le juge statue. D’autres estiment que l’on ne peut pas tolérer l’expression de propos violents, surtout quand ils s’adressent à des catégories de la population plus vulnérables, comme les jeunes. Rappelons enfin que le Front national est arrivé deux fois au second tour des élections présidentielles.

Par conséquent, la majorité de notre groupe s’abstiendra. Mais, considérant que l’enjeu est très important, je voterai pour le texte à titre personnel.

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