Mmes et Mm les élus,
Mmes et Mm les présidents d’association
Chers amis,
Je suis heureuse et émue de vous retrouver réunis ici ce soir et de vous découvrir si nombreux.
Heureuse et émue de vous retrouver à mes côtés, comme je peux le faire à loisir depuis la fin du mois d’aoùt où j’ai pu vraiment me réinvestir dans notre XXème arrondissement ,après une Odyssée ministérielle longue de plus de quatre années,
C’était en quelque sorte pour moi regagner mon Ithaque. Et je remercie toutes les Pénélope de ne pas m’avoir oubliée durant ce long exil !Même si toutes nos Pénélopes n’ont pas la chance d’écrire dans la Revue des Deux Mondes !
Je dois rendre hommage aux personnels du ministère de l’Education nationale et du Ministère des Outre-mer, qui m’ont accueillie avec gentillesse et professionnalisme quelque soit leur niveau hiérarchique. Mais malgré l’épaisseur des moquettes lie-de-vin des salons de réception, malgré les moulures de murs plusieurs fois centenaires, malgré les lustres en cristal, malgré les toiles de maître suspendues le long des couloirs, malgré la compétence des énarques, malgré les beaux costumes blanc des préfets, malgré même la qualité des petits fours et la saveur des rhums d’un grand âge, je dois vous l’avouer ,j’ai eu envie de repartir pour me retrouver à nouveau auprès des miens, de visages familiers, des bras amis et de mains solidaires. Qu’il est bon de se savoir avenue Gambetta, à quelques rues des restaurant et des cafés où nous avons nos habitudes, et ce soir encore dans un lieu qui m’est cher, au Tarmac, auprès d’une femme pour qui j’ai la plus grande estime, presque de l’affection, Valérie Baran.
Chère Valérie, merci à vous de nous accueillir à nouveau chez vous, dans votre beau théâtre, pour cette cérémonie des vœux.
Chers amis,
Au cours de l’année écoulée j’ai refermé la page d’une aventure de quatre années au gouvernement. Bien sûr je n’aurais jamais imaginé que j’officierais un jour dans le prestigieux ministère de l Education Nationale, voire dans ce qu’on appelait encore dans ma jeunesse le ministère des colonies ? Voilà sans doute la beauté, la grandeur et peut-être la part de mystère du système républicain français.
Il y a seulement quelque jours je remettais les insignes d’officier dans l’ordre de la Légion d’Honneur à un remarquable inspecteur de l’éducation nationale et
j ai appris a cette occasion qu’il a grandi dans le 20e, qu’il est le petit-fils de grands-parents lithuaniens, arrivés en France pour fuir les pogroms, qui vendaient des couvertures et des lunettes d’occasion sur les marchés et qui a pu gravir ainsi tous les échelons grâce à son mérite personnel, mais aussi grâce à notre école, à notre système républicain . C’est pour permettre aux enfants de nos quartiers, de pouvoir à leur tour se hisser socialement, quelque soit leur milieu, leur famille ou leur apparence que l’engagement politique a du sens pour moi.
Après de longues années d’investissement dans le milieu associatif, je me suis présentée à la députation en 2007 pour défendre ces valeurs de justice, d’égalité des chances et de promotion sociale pour tous. C’est la raison également qui m’avait conduite, suite à notre victoire commune de 2012, à accepter la charge de ministre que m’a confiée le Président de la République. C’est en partie grâce à tous ceux qui vivent et travaillent dans notre arrondissement et en pensant à eux que j’ai exercé mes fonctions .
Au cours de ces années nous avons permis la scolarisation dans les meilleures conditions de tous les enfants handicapés, nous avons pu sortir les AVS de la précarité qui était la leur et les titulariser, nous avons amélioré les conditions de santé, les conditions de logement et les conditions scolaires pour nos concitoyens d’Outre-mer, nous avons pu y faire reculer le chômage et permettre à de nombreuses personnes qui connaissaient une situation sociale difficile de retrouver le chemin d’une « vie bonne » comme disaient les Anciens, que nous avons pu bâtir la loi sur l’égalité réelle afin que nos concitoyens d’Outre-mer, qu’ils vivent ou non dans l’Hexagone, soient respectés et traités comme des Français à part entière.
La loi de refondation de l’école, la loi égalité citoyenneté adoptée récemment qui organise la mixité dans les quartiers ,qui soutient l’engagement des jeunes ,la garantie jeunes, le compte personnel d’activité ,le tiers payant généralisé qui évitera aux malades d’avancer les frais sont des acquis dont nous pouvons nous réjouir et être fiers.
Chers amis,
Je n’ai pas toujours été en accord avec les orientations prises par l’exécutif, vous le savez, car je n’en ai jamais fait mystère. J’ai parfois eu des doutes, mais je n’en suis jamais arrivé à la conclusion qu’il fallait « se taire ou démissionner ». Il aurait souvent été pour moi plus confortable de jeter l’éponge mais j’ai préféré, en toute conscience, continuer à faire avancer les dossiers que je pensais importants quitte à exprimer mes désaccords quand ceux-ci étaient nets, comme lors du conseil des ministres ou j’ai exprimé mon opposition ferme et résolue à la déchéance de nationalité.
J’ai pensé que je serai plus aidante pour nos concitoyens et plus utile pour nos idées au sein qu’en dehors du gouvernement. Je le pense encore.
Dans moins de cent jours se tiendra le premier tour de l’élection présidentielle et, quelques semaines plus tard, celui des élections législatives. Ces élections se tiendront dans un contexte national et international pétris de doutes, d’inquiétudes et de dangers. Notre monde, que nous croyions si solide et si ferme il y a encore quelques années, voit sa terre se craqueler et son sol se dérober sous ses pieds.
Le philosophe américain Francis Fukuyama avait prophétisé, au début des années 1990, après la chute du mur de Berlin, le démantèlement de l’Union soviétique et l’achèvement de la Guerre froide, ce qu’il avait appelé « la fin de l’Histoire » : la victoire définitive et irrévocable du modèle démocratique et libéral. Cette illusion a orienté et commandé les politiques publiques, économiques et diplomatiques pendant près de trois décennies. L’année qui s’est achevée, nous a pourtant démontré de la plus tragique des manières, qu’il n’en était rien. Que non seulement l’Histoire n’était pas derrière nous mais que, si nous n’y prenions pas garde, l’Histoire risquait de se refermer sur nous comme une trappe. La violence avec laquelle s’est manifesté ce rappel laisse encore pantois nombre d’entre nous.
Le terrorisme a ensanglanté le sol de notre pays, a semé le chagrin dans les familles de nombre de nos compatriotes, à Paris, à Magnanville, à Nice, comme à Saint-Etienne-du-Rouvray. N’oublions pas dans la joie de voir s’ouvrir une année nouvelle, ceux dont 2016 fut la dernière année. N’oublions pas non plus leurs familles, leur meurtrissure, leur souffrance et leur chagrin. N’oublions pas ceux qui sont morts et ceux qui les pleurent encore. Nous les gardons en tête et au cœur.
Les attentats terroristes ont frappé hommes, femmes et enfants, par delà les frontières, par delà les continents, par delà les religions : en France, en Allemagne, en Belgique, aux Etats-Unis, en Turquie, en Irak, au Yémen, en Israël, en Jordanie, au Nigéria, au Mali, au Burkina Faso, au Cameroun, en Somalie, en Côte d’Ivoire, en Egypte, en Lybie, comme au Maroc, en Thaïlande, en Indonésie, aux Philippines et la liste n’est malheureusement pas exhaustive.
George Perec, le grand romancier des Choses et de La Disparition, écrivait que, lorsque les hommes pensent que l’Histoire est endormie, elle les réveille toujours en brandissant sa grande hache au-dessus de leur front.
Ces actes de barbarie et leur cortège de conflits meurtriers ont détruit des familles entières, des villes entières – et je pense bien entendu à Alep-, des patrimoines communs millénaires- et je pense à Palmyre- ont forcé à fuir des millions d’hommes et de femmes fuyant les massacres, en Syrie comme en Irak.
Nos civilisations humaines ne sont pas immortelles, comme l’écrivait Paul Valéry. Nos civilisations tremblent sur leurs bases et les peuples, inquiets, exaspérés, et si souvent inécoutés, ont exprimé leur désarroi dans les urnes, en Grande-Bretagne, comme aux Etats-Unis, et risquent de le faire dans notre propre pays. Soyons attentifs à ne pas livrer nos concitoyens à pareille expression de désespoir, d’où l’importance de la solidarité !
Face aux drames que nous traversons, l’extrême droite se prend à rêver de faire main basse sur notre République. La droite dure, quant à elle, y voit une aubaine pour passer en contrebande l’un des programmes économiques les plus destructeurs que la France se soit vu proposer: supprimer des centaines de milliers de postes de fonctionnaires, démanteler le système des solidarités qui font de notre pays un foyer pour tous : moins d’enseignants pour nos enfants, moins de conseillers d’orientation, moins d’assistantes sociales, moins d’infirmiers pour ceux d’entre nous qui rencontrent la maladie ou la vieillesse, moins d’agents de police pour les plus démunis qui sont toujours les premiers à subir l’insécurité. Comme si réduire des postes dans la fonction publique ne créait pas mathématiquement plus de chômeurs. Moins de subventions pour les associations et les institutions culturelles également, comme si l’une des première solidarités n’était pas de donner aux plus démunis les lumières pour forger leur propre autonomie intellectuelle. Supprimer l’impôt sur la fortune et réduire les allocations familiales : un Robin des Bois d’un genre nouveau que le candidat de la droite – voler aux pauvres pour donner aux riches. L’austérité pour tous mais pas pour le candidat et ses proches !
La droite risque aussi de laisser passer les acquis historiques de la COP21, de ne pas s’investir dans la transition énergétique pourtant si vitale si on considère que nous consommons chaque année près de deux fois les richesses que notre terre peut produire.Or, en encourageant le développement des énergies renouvelables, de la biomasse, de l’éolien, la sobriété énergétique de nos bâtiments, et de nos modes de transport, en développant les circuits courts et l’économie circulaire, nous pouvons pourtant construire un nouveau modèle de développement durable.
Chers amis,
La présidentielle qui s’annonce sera sans doute parmi les plus décisives dans l’Histoire de la Gauche, celle de Léon Gambetta, de Jean Jaurès, de Léon Blum, de François Mitterrand, mais sans doute également pour l’Histoire politique et sociale de notre pays tout entier. Nous connaissons aujourd’hui l’affiche et les participants à ce grand débat. Mais bien futé celui qui pourrait en prévoir l’issue!
Permettez-moi de lire devant vous quelques mots de l’un des pères fondateurs du socialisme républicain, un grand homme trop souvent oublié, le fondateur du solidarisme, Léon Bourgeois, créateur du premier impôt progressif en 1914 sous la Troisième République, premier président de la Société des Nations et prix Nobel de la paix en 1920, dans son essai Solidarité, paru en 1896 :
« L’individu isolé n’existe pas. C’est la société qui lui donne naissance et il ne s’épanouit qu’à travers des ressources intellectuelles et matérielles que celle-ci met à sa disposition. Interdépendants et solidaires, les hommes sont porteurs d’une dette les uns envers les autres, ainsi qu’envers les générations qui les ont précédés et envers celles qui leur succèderont. La République française n’est pas faite pour quelques-uns uns mais pour tous, la République française c’est une démocratie républicaine, c’est quelque chose de plus qu’une République politique, c’est un état social fondé sur la liberté de chacun et la solidarité de tous. »
Payer l’impôt n’est jamais agréable, mais ce n’est pas, comme la droite le laisse suggérer, un châtiment infligé par un Etat tyrannique. C’est une manière de s’acquitter de sa dette envers notre monde commun, une règle de justice collectivement admise.
La réglementation du travail, l’impôt progressif, les cotisations sociales, ne sont pas d’insupportables interférences de la puissance publique dans la vie d’individus omnipotents mais, au contraire, la condition même de la liberté individuelle, rendue possible par la réciprocité des échanges entre les membres de notre Nation. Les prélèvements sociaux et fiscaux sur les revenus et les patrimoines de ses membres ne sont pas d’odieuses ponctions sur le travail d’individus qui ne devraient rien à personne, mais au contraire de justes rétributions pour les services offerts par la société, pour l’éducation, la santé, la justice et la sécurité de chacun de ses membres.
La redistribution des richesses n’est pas une entrave au droit des individus comme le dit la droite, mais au contraire un principe de justice sociale qui symbolise l’exigence même de solidarité du projet républicain..
Je me refuserai toujours à devoir choisir entre deux écueils, entre le cynisme et le rêve utopique.
Le cynisme de la droite présente comme des vertus les vices du cœur humain : l’âpreté au gain, l’indifférence à autrui, l’égoïsme comme unique viatique. Mais l’utopie peut déboucher sur la déception. Pour moi, la seule valeur qui vaille politiquement, philosophiquement et éthiquement, c’est de se soucier du bien d’autrui. La politique ne peut se permettre d’être seulement une incantation ,elle est d’abord le souci de la morale, le souci d’autrui, du progrès social.
Depuis quatre mois, j’ai repris le chemin de l’ Assemblée et je peux à nouveau participer à l’élaboration des textes de loi pour soutenir cette orientation dans les textes nombreux que nous avons examinés.
Je suis redevenue députée pour que le XXème, ses militants, ses habitants, son histoire, ses besoins, ses souffrances et ses valeurs, puissent être entendus et défendus dans la période présente et à venir.
Notre XXe est un arrondissement formidable, vivant animé ou jeunes et seniors, cadres et employés partagent dans les cafés, les rires et les verres de l’amitié.
Mais chers amis,
C’est est aussi un quartier de Paris où les habitants déjà fragilisés ,qu’ils soient commerçants, employés, professions libérales, s’inquiètent pour demain. Les associations et bien entendu les théâtres et les lieux de culture craignent pour leurs ressources déjà amoindries depuis les dernières échéances régionales. A la permanence ,nous voyons nombre d’ accidentés de la vie, ne pouvant plus payer leur loyer à cause de la perte de leur emploi, ou de la mort d’un conjoint, frappés par des affaires de sur-endettement liées à des crédits revolving dont ils ne comprenaient même pas les implications au moment de la signature, des gens vivant dans des logements insalubres, des familles dans des studios, des immigrés sans papiers, Cela ne « dépend » pas directement de nos prérogatives mais il est difficile de ne pas les aider C’est à nous, élus, qu’il revient d’activer tous les leviers dont nous disposons pour venir en aide à ces hommes, ces femmes, ces enfants, ces familles qui comptent sur nous.
L’idée que je me fais du rôle de député, c’est non seulement de prendre la parole avec force à l’Assemblée nationale, mais c’est aussi d’agir très concrètement et très quotidiennement pour aider nos habitants les plus démunis, ce qui suppose de bien connaître notre réseau de solidarité, sanitaire, locatif, éducatif, social, sécuritaire et culturel. Je suis entourée de deux personnes remarquables, Jean et Margaux, qui s’occupent de ceux qui viennent leur exposer leurs difficultés et leurs impasses,, qui prennent à coeur les projets ou les besoins de soutien, de recommandation ou de financement que recherchent ceux qui habitent ou travaillent dans notre quartier, afin d’intervenir directement auprès de la mairie du XXème, de la Mairie de Paris, ou de la région Ile de France .C’est pourquoi nous avons besoin de travailler main dans la main avec les autres élus.
Chers amis,
Il n’est pas à exclure que nos valeurs sociales, éthiques et humaines courent le risque d’être mises à rude épreuve et maltraitées dans les prochaines années.
Nous allons nous battre pour les valeurs qui sont les nôtres, celles de la Gauche, celles du XXème, celles d’une société ouverte et respectueuse des identités de chacun, celles d’une société solidaire qui tend une main amie, aux plus humbles et aux plus vulnérables, celles d’une société dynamique qui fait une place à sa jeunesse, à ses entrepreneurs, à ses acteurs de terrains et qui prépare l’avenir.
Chers amis,
En attendant je vous souhaite a vous et à tous ceux qui vous sont chers, une belle et féconde année 2017.Apres les années terribles que nous avons connues, qu’elle vous permette de vivre dans la sécurité et la sérénité, sans drames, d’exercer une activité qui vous plaise et qui vous permette de gagner votre vie, de voir pousser enfants et petis enfants en ayant confiance de les voir mener une vie meilleure que leurs ainés .
Que cette année nous permette notamment de tenir les engagements que nous avons pris à la COP 21, pour sauvegarder la planète, réussir la transition énergétique et changer nos habitudes de consommation qui épuisent nos richesses communes.
Que cette année vous permette de vous épanouir, d’avoir du temps pour vous, pour vous cultiver et cultiver l’amitié.
Sachez que dans ces défis qui nous attendent, je serai à vos côtés pour bâtir ce que nous souhaitons, une vie bonne.
Merci à vous