Les prisons françaises, qui souffrent de surpopulation chronique, comptaient au 1er janvier 2020 70.651 détenus pour 61.080 places opérationnelles, selon l’Agence France-Presse.

Nos prisons surpeuplées offrent des conditions optimales pour les flambées de COVID-19 qui pourraient gravement affecter la santé des détenus et de la population en général. Les autorités doivent agir immédiatement pour éviter une catastrophe sanitaire entièrement prévisible.

Le 25 mars, le Sous-comité des Nations unies pour la prévention de la torture a appelé les gouvernements en réponse au COVID-19 à « réduire les populations carcérales et autres populations de détention dans la mesure du possible ». Cela devrait inclure la libération des personnes qui ne devraient pas être détenues, telles que celles détenues sans inculpation, détenues arbitrairement ou détenues pour des infractions qui ne devraient pas être criminalisées. En outre, ce Sous-comité a appelé les gouvernements à mettre en place des « programmes de libération anticipée, provisoire ou temporaire pour les détenus pour lesquels il est prudent de le faire ».

Certes, depuis plusieurs semaines des mesures ont été prises pour répondre à cette problématique, d’autant que des mouvements de détenus ont eu lieu dans divers établissements témoignant de l’angoisse qui a saisi les détenus.  Le ministère de la justice a donc libéré plusieurs milliers de personnes, ramenant la surpopulation carcérale à des proportions plus acceptables.

Ceci montre d’une part qu’il est possible de ne pas perpétuer ce système indigne où des hommes sont entassés à 3 dans une petite cellule, parfois dormant sur un matelas à terre. Ce qui a été préconisé par les autorités et en partie réalisé c’est de libérer les condamnés en fin de peine. Une remise de quelques mois en fin de peine permet de libérer de l’espace pour entrants.

Par ailleurs, les juges chargés de l’application des peines soulignent qu’ils n’ont pas le temps sur une courte peine de réaliser un travail de réinsertion utile. Les courtes peines d’emprisonnement ne constituent pas la réponse satisfaisante qu’est en droit d’attendre la société face à la délinquance. La mesure prise à l’égard de l’auteur d’une infraction doit d’abord sanctionner les faits commis, mais également prévenir la récidive et permettre, si nécessaire, la réinsertion sociale.

Bien sûr, pour les détenus les plus dangereux et les plus endurcis, un suivi attentif et une surveillance doit se mettre en place après la sortie. Mais pour les autres, il est toujours préférable de mettre en place un suivi, un accompagnement, des mesures alternatives à l’incarcération comme un bracelet électronique pour éviter qu’une sortie sèche soit l’occasion de retomber dans les mêmes errements.

Nous devons donner les moyens humains et financiers nécessaires pour le développement de ces peines alternatives à la prison et les services de probation. Il faut aussi renforcer les moyens aux magistrats qui prononcent les peines.

Ce que cette période inhabituelle a démontré à nouveau, c’est la spécificité française que constitue le recours massif à la détention provisoire. Même pour lutter contre le risque d’épidémie, les libérations ont concerné surtout les détenus en fin de peine et peu ceux qui sont en détention provisoire, alors que par définition, ceux-ci sont présumés innocents et certains seront reconnus tels par les tribunaux.

Pour tendre vers une justice pénale efficace et humaine, il faut rappeler que notre droit positif prévoit depuis des lustres l’encellulement individuel et donc se donner les moyens de le respecter. Par ailleurs il faut relancer, à l’occasion des réformes en cours, un chantier de réflexion et d’enquête sur les peines : leur sens, leur échelle et leurs modalités.