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Ma question s’adresse à M. le ministre de la culture, mais je fais confiance à Mme la secrétaire d’État pour répondre au nom du Gouvernement.

La Maison du peuple, située à Clichy-la-Garenne, est classée monument historique depuis 1983. À l’avant-garde architecturale dans la France d’entre-deux-guerres, le bâtiment est construit dans ce quartier de la banlieue parisienne entre 1936 et 1938, résultat des politiques municipales menées par le Front populaire. Exemple marquant de l’histoire de la construction en acier, la Maison du peuple de Clichy illustre l’union indissoluble de la culture et des techniques, de la forme et de la construction. Premier bâtiment préfabriqué à mur-rideau et à structure métallique, il est doté de cloisons coulissantes, de sols amovibles et d’un toit ouvrant. L’équipe d’architectes, dirigée par Jean Prouvé, a créé un dispositif fonctionnel complexe, sous la forme de deux volumes simples juxtaposés, suivant les conseils de l’ingénieur aéronautique Bodiansky et dans les ateliers mécaniques de Schwartz-Haumont.

Or un projet lauréat de l’appel à projets Inventons la Métropole du Grand Paris, imaginé par Rudy Ricciotti, LBA et Holzweg, propose d’ajouter une tour de 96 mètres à cet édifice pourtant pourvu du plus haut degré de protection patrimoniale. Les porteurs du projet annoncent une opération mixte, mêlant hôtel, logements de standing, centre culturel et espaces commerciaux. Ce projet, qui semble servir principalement des intérêts purement privés, risque de priver les amoureux de la culture d’un lieu patrimonial remarquable. En octobre 2018, alors ministre de la culture, Mme Françoise Nyssen avait annoncé par courrier au maire de Clichy qu’elle venait de confier à l’inspection des patrimoines « une mission d’analyse du projet » de la Maison du peuple.

Quelles mesures le ministère de la culture entend-il prendre pour éviter la défiguration de ce monument ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Construite de 1937 à 1939 par les architectes Marcel Lods et Eugène Beaudoin, et marquée par les interventions innovantes de Jean Prouvé et Vladimir Bodiansky sur les aménagements intérieurs, la Maison du peuple a, comme vous l’avez rappelé, été classée en totalité au titre des monuments historiques en 1983. Cette protection, qui avait fait débat à l’époque, constituait un acte fondateur : la qualité de monument historique était reconnue à une œuvre de l’architecture du XXe siècle – aujourd’hui considérée comme faisant partie de notre patrimoine à part entière.

La ville de Clichy a proposé pour cet édifice – dont l’état de conservation est malheureusement très préoccupant en dépit de travaux de restauration menés à la fin des années 1990 – un projet architectural reposant, d’une part, sur la restauration de la Maison du peuple et, d’autre part, sur l’adjonction à cet édifice d’une tour dont la construction serait confiée à l’architecte Rudy Ricciotti. Ce projet, qui témoigne de la volonté légitime des élus de développer le logement à Clichy et de valoriser la ville par un geste architectural fort accompagnant la rénovation de la Maison du peuple, pose la question de sa compatibilité avec la protection de ce dernier bâtiment au titre des monuments historiques. Si les adjonctions contemporaines sur des monuments protégés sont possibles, et se produisent d’ailleurs régulièrement, elles doivent aussi prendre cette protection en considération.

Le ministre de la culture a reçu les élus qui défendent ce projet. Les services du ministère de la culture ne sont pas encore saisis au titre des autorisations de travaux sur monuments historiques, mais le ministre leur a demandé de porter la plus grande attention à ce projet, afin que les objectifs de celui-ci s’inscrivent dans un cadre compatible avec la nécessaire protection au titre des monuments historiques dont bénéficie la Maison du peuple.

Mme George Pau-Langevin. Merci, madame la secrétaire d’État. Je me félicite de ces précisions, ainsi que de l’assurance que le ministère de la culture considère ce projet avec une grande attention. Je souligne néanmoins que la ville de Clichy dispose d’espaces importants – où poussent d’ailleurs de plus en plus de bâtiments, à usage de commerce ou d’habitation. Elle est donc tout à fait à même de réaliser un geste architectural innovant sans avoir besoin de toucher à la Maison du peuple, précieux témoignage de l’architecture de l’entre-deux-guerres.