Cette proposition de loi qui nous fut soumise, s’attaque à la manipulation de l’information au moyen de fausses nouvelles. Le sujet de la fausse information a fait irruption dans l’actualité à l’occasion de la campagne électorale aux États-Unis et du référendum sur le Brexit.

Les tentatives de réglementer les « fake news » ne sont pas limitées aux états. En janvier 2018, la Commission européenne a nommé le groupe de haut niveau sur les fausses nouvelles et la désinformation en ligne. La Commission recueille également des contributions des parties prenantes sur la portée du problème des « fausses nouvelles » et « l’efficacité des mesures volontaires déjà mises en place par l’industrie pour empêcher la propagation de la désinformation en ligne ».

Il y a eu de tout temps des fausses nouvelles et des rumeurs. Les contes et les sorcières ont longtemps alimenté notre imaginaire. Ce qui est nouveau aujourd’hui, c’est que les moyens techniques permettent de démultiplier les effets de la désinformation.

Cependant, nous sommes en démocratie et, si l’on doit toucher à la liberté d’expression, il faut le faire avec d’infinies précautions. Donc, il ne saurait être question de mettre sous surveillance les agences de presse, les journalistes – qui vérifient les informations qu’ils relaient en vertu de leur déontologie – ou même encore les particuliers – qui peuvent relayer de bonne foi une information insuffisamment vérifiée.

L’actuelle majorité entend viser l’utilisation, dans une campagne politique, de procédés de propagande habituellement employés à des fins commerciales, notamment la diffusion massive d’informations que l’on sait fausses avec des outils numériques ou des robots permettant une propagation virale. Or le gouvernement a introduit dans le texte la définition suivante : « Toute allégation ou imputation d’un fait dépourvue d’éléments vérifiables de nature à la rendre vraisemblable constitue une fausse information. ». Cette définition ne garantit pas que la liberté d’expression de la presse et des journalistes sera préservée.

Par ailleurs, le gouvernement a proposé plusieurs axes pour lutter contre les fausses informations, notamment le recours au juge pour pénaliser la diffusion de fausses nouvelles, avec la possibilité de saisir le juge des référés, et l’attribution de nouveaux pouvoirs au Conseil supérieur de l’audiovisuel. Celui-ci aura désormais la possibilité de suspendre la diffusion d’un service, de résilier une convention ou de saisir le vice-président du Conseil d’État pour faire cesser la diffusion de fausses nouvelles. Je juge bien fondée certaines de ces mesures, notamment le renforcement du rôle du CSA, qui nous paraît de bon aloi.

En revanche, la procédure de référé qu’on nous annonce va se heurter à une difficulté : elle risque de ne pas être assez rapide. Il aurait plutôt fallu examiner la proposition formulée par les associations de lutte contre le racisme, à savoir la mise en place d’un « référé numérique » permettant de faire usage des courriels, à la différence de la procédure très lourde à laquelle nous sommes habitués.

Mais légiférer sur les fake news revient à rechercher un équilibre entre les sanctions à l’égard de ceux qui émettent et l’éducation de ceux qui reçoivent. Plus nous renforcerons le décryptage des fausses informations par les citoyens, moins nous aurons à interférer dans la liberté d’expression et la liberté de la presse. De ce point de vue, le texte ne parvient pas à trouver cet équilibre. Il est plus important d’encourager l’éducation de nos enfants au discernement !

Finalement, le groupe Nouvelle Gauche considère que ce texte est plus inopérant que dangereux.

Faut-il qu’une diffusion massive, artificielle des informations, en période électorale, altérant la sincérité du scrutin, soit traitée par un juge des référés, en quarante-huit heures ? Les mailles du filet sont énormes et nombreuses seront les informations qui passeront au travers. Quant aux puissances étrangères, je doute qu’elles tremblent devant ce dispositif.

Dans le fond le sujet est plus profond car de la conduite de la propagation de la désinformation et la propagande haineuse, il n’a qu’un pas. Ce sujet est au-delà de la capacité d’une société à résoudre les causes profondes de ce qui motive les gens à diffuser des contenus trompeurs.

Pour faire face aux nombreux risques associés aux problèmes de discours de haine et de désinformation, l’Etat et les GAFAM doivent mettre en œuvre une plus forte transparence ; mettre en œuvre des évaluations d’impact sur les politiques affectant le contenu ; et mettre en place une coopération claire sur ces questions. Nous avons besoin de nouveaux systèmes qui peuvent aider à générer la confiance dans ces GAFAM et veiller à ce qu’elles contribuent au bien commun. Par exemple il faut qu’ils désignent un correspondant – personne physique – qui soit l’interlocuteur responsable pour notre pays.

La lutte contre la manipulation de l’information ou les propos haineux sont à traiter avec sérieux et non pour l’intérêt personnel de quelques responsables politiques.