Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous abordons avec cette proposition de loi un sujet difficile qui doit être traité partout dans le monde. La politique d’inclusion est aujourd’hui adoptée suite à diverses déclarations de niveau international qui ont eu des applications en droit interne.
Ainsi, en 1994, suite à une conférence mondiale sur les besoins éducatifs spéciaux, la déclaration de Salamanque, signée par les représentants de quatre-vingt-douze pays et vingt-cinq organisations, énonce que « ceux qui ont des besoins éducatifs spéciaux doivent pouvoir accéder aux écoles ordinaires », affirmant que placer ces enfants en école ordinaire « est le moyen le plus efficace de combattre les attitudes discriminatoires, en créant des communautés accueillantes, et en construisant une société inclusive ». De même, en 2006, la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées demande à ses 161 États signataires de veiller à ce que « les personnes handicapées puissent accéder à un enseignement primaire inclusif, de qualité et gratuit, et à l’enseignement secondaire sur un pied d’égalité avec les autres communautés ». Il est vrai qu’à l’époque, ce n’était pas la tradition de notre pays puisque nous avions mis en place un enseignement spécialisé pour ces publics. Mais nous avons évolué depuis que ces principes ont été affirmés.
Ainsi, dans la loi d’orientation de 1989, et surtout dans la loi Fillon de 2005, a été consacrée l’égalité de droits et de chances pour ces élèves afin de permettre leur scolarisation dans l’établissement scolaire le plus proche de leur domicile. Le nombre de ces enfants scolarisés dans les établissements ordinaires a ainsi triplé depuis dix ans.
Il faut d’abord saluer les enseignants, qui ont su relever ce défi en modifiant, évidemment, leurs pratiques professionnelles. Il faut aussi noter que ce parcours scolaire est possible parce que les enfants sont accompagnées par des auxiliaires de vie scolaire aujourd’hui dénommés « accompagnants des élèves en situation de handicap », personnels très longtemps recrutés en contrat aidé, pour certains en CDD de trois ans renouvelé une seule fois. Le fait qu’ils changeaient ainsi régulièrement non seulement pouvait chagriner les enfants qu’ils suivaient, mais revenait aussi à perdre le gain de l’effort de formation qu’ils avaient pu faire pour, par exemple, comprendre l’autisme ou connaître le braille. C’est pourquoi le décret du 27 juin 2014 sur le statut des AVS a reconnu comme un vrai métier ce qui n’était alors considéré que comme une fonction, exercée de surcroît dans des conditions de précarité totale. Désormais, à l’issue du deuxième contrat, l’AESH doit se voir proposer un CDI à quotité au moins égale au précédent contrat. Un diplôme d’État d’accompagnement éducatif et social spécialisé a également été créé, et les personnes ayant exercé ces fonctions durant deux ans en sont dispensées. C’est déjà un pas en avant appréciable.
Mais le métier d’AESH demeure souvent sous forme de contrat précaire, à temps partiel et donc peu payé, soit vingt heures par semaine pour 873 euros dans la majorité des cas, et sans véritable progression de carrière. Il est souhaitable, y compris dans l’intérêt des enfants, que les AESH bénéficient d’une meilleure reconnaissance de leur métier et qu’il y ait une titularisation massive de ceux déjà en poste, mais aussi des contrats à temps plein, une revalorisation des salaires et la création d’un statut réel et reconnu donnant des perspectives d’évolution professionnelle. Mais au contraire, la baisse drastique du nombre de contrats aidés décidée par le Gouvernement l’an dernier, et pour cette année encore, a des effets négatifs sur le secteur, notamment au regard des possibilités d’entrer dans le métier ; certaines personnes ont même perdu leur emploi. De même, selon les organisations syndicales que nous avons rencontrées, le décret de juillet 2018, qui affichait la volonté d’augmenter le vivier d’AESH, a abaissé les exigences de recrutement et nié la nécessité d’en faire une véritable spécialité.

Dans ce contexte, notre collègue Pradié a souhaité apporter sa contribution au règlement des problèmes rencontrés dans ce secteur. Il propose des solutions en faveur de l’inclusion des enfants et des adolescents en situation de handicap au sein de l’école républicaine, et souhaite donner un statut unifié aux accompagnants de ces élèves.

Certes, cette proposition de loi a le mérite d’attirer l’attention sur ce problème très difficile et de nous offrir l’occasion d’en débattre. Pour notre part, nous avons pu avancer en commission puisque le terme d’« accompagnant », auquel les personnels tiennent, a été conservé de préférence au terme d’« aidant » prévu initialement dans la proposition de loi.

Mais vos préconisations, monsieur le rapporteur, rejoignent souvent des dispositifs existants. Ainsi, vous prévoyez, à l’article 1er, la possibilité pour les personnels d’accompagner les élèves pendant les sorties scolaires alors que cela existe déjà : les AESH participent aux sorties scolaires – peut-être pas suffisamment, mais c’est déjà inscrit dans leur référentiel.

Par ailleurs, vous reprenez une proposition que je sais défendue par plusieurs associations, à savoir une répartition des missions des AESH harmonisée entre le scolaire et le périscolaire. Mais il faut noter que l’addition du temps scolaire et du temps périscolaire aboutit à de très longues journées pour les agents. De plus, il ne faudrait pas que cela exonère les autres structures organisatrices d’activités périscolaires ou extrascolaires de former aussi leurs membres aux différents handicaps.

S’agissant de la possibilité que vous voulez offrir aux accompagnants à l’inclusion scolaire de passer le BAFA pendant leur formation, je rappelle que bon nombre d’entre eux l’ont déjà. Ne serait-il pas plus pertinent que les personnels des clubs de sport, des centres de loisirs et autres soient, eux aussi, formés aux différents handicaps ? La vision inclusive que nous défendons plaide plutôt, je le répète, pour une formation élargie à d’autres personnels dans les activités périscolaires et extrascolaires.

Concernant les MDPH, c’est actuellement la commission des droits et de l’autonomie, au sein de la maison départementale des personnes handicapées, qui constate que l’élève requiert ou non une aide individuelle. Nous sommes tous d’accord, c’est souvent très long, y compris après que l’avis ait été rendu. Vous souhaitez, monsieur le rapporteur, que les demandes soient traitées dans un délai maximal de deux mois. Bien évidemment, je ne peux que vous rejoindre sur la réduction du délai de traitement ; mais il me semble, là encore, que c’est avant tout une question de moyens.

S’agissant de la création du « parcours inclusif personnalisé », un dispositif proche existe déjà puisque le projet personnalisé de scolarisation et le guide d’évaluation en milieu scolaire ont été créés par la loi sur la refondation de l’école de 2013 : à partir des besoins identifiés, l’équipe pluridisciplinaire de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées élabore en effet un projet personnalisé de scolarisation en tenant compte des souhaits de l’enfant ou de l’adolescent ; cette même loi a créé le plan d’accompagnement personnalisé à destination des élèves présentant des difficultés scolaires graves et durables en lien avec un trouble des apprentissages. Il s’agirait donc de mieux faire vivre les textes existants pour remédier aux difficultés que vous soulignez.

Enfin, nous avons un point de désaccord quand vous proposez que les établissements scolaires hors contrat aient la possibilité de faire appel aux AESH. Nous avons en effet constaté que certains d’entre eux donnent lieu à des dérives inquiétantes. 

Quand vous déplorez le manque de moyens, c’est exact : la pénurie de moyens financiers crée de la précarité parmi les personnels, et cette pénurie est aggravée du fait de l’accroissement considérable du nombre d’enfants concernés. Il faut une juste revalorisation des accompagnants. Nous interprétons avant tout votre texte, monsieur Pradié, comme un appel au Gouvernement pour qu’il traite encore mieux le sujet, qu’il accélère la réalisation de cette école inclusive que nous appelons de nos vœux.

Tout ce que nous pouvons vous souhaiter, c’est d’être mieux entendu.